Voici le paradoxe dans sa révoltante pureté : bien que nous soyons des êtres mus par les émotions, l’enseignement (scolaire surtout) a jusqu’ici complètement ignoré la dimension affective.
On s’est passionné pour la dimension cognitive, certes. Mais la connaissance est aussi (d’abord) le fruit d’une relation entre un apprenant et un professeur ou un formateur.
La pédagogie relationnelle vise à reprendre cette base et à l’explorer. L’enjeu ? Ce n’est rien de moins que restaurer l’intégralité de l’expérience apprenante et ouvrir une nouvelle ère de l’apprentissage.
Car combien d’entre nous sommes entrés à l’école avec une folle envie d’apprendre ? Et combien d’entre nous sommes « sortis » du système éducatif avec un dégoût de certaines matières ? Une sainte horreur des devoirs et des examens ?
Mais, au milieu de tout ça, nous avons parfois rencontré à un moment un maître ou une maîtresse, un professeur bienveillant qui nous a transmis le goût pour son domaine de connaissances ; quelqu’un qui, des années après, continue d’éclairer non seulement notre parcours professionnel, mais aussi notre vie.
Retour aux fondamentaux : le rôle de l’émotion
Non, nous n’avons pas dans la tête des simples calculatrices qui amassent des sommes d’expériences à partir desquelles nous pouvons poser et résoudre les problèmes de la vie.
Nous ne sommes pas des robots.
Car dans tous les calculs que nous effectuons, l’émotion entre en jeu. Elle se caractérise par le degré d’affection que nous avons pour certaines personnes, certaines expériences et certains êtres.
Nous aimons passer du temps avec nos proches et nos amis (ceux avec qui nous avons des goûts en commun), nous avons des centres d’intérêt et nous peuplons notre environnement de choses que nous considérons belles et plaisantes.
L’émotion est un puissant levier pour attirer l’attention d’une personne. Elle crée une identification avec celui qui éprouve la même émotion. Elle ancre un souvenir.
La pédagogie relationnelle part de cette observation et de l’importance de prendre en compte la dimension affective.
Car il n’y a pas d’apprentissages, si vous placez des étudiants indifférents dans une salle de classe avec un professeur aigri ou désabusé, débitant un programme auquel il ne croit pas lui-même. Vous avez seulement une apparence d’enseignement.
Apprentissage il n’y a que si et seulement si les apprenants mettent de l’intérêt dans la matière. Et ceci n’est possible que si le professeur insuffle lui-même de l’intérêt dans son cours. Cela met l’accent sur l’importance de l’échange, l’attention que chacun doit accorder à l’autre, l’écoute, la communication. Alors, il se passe réellement quelque chose.
Cela semble tellement évident et pourtant la pédagogie ne semble s’intéresser à ce fait que depuis une vingtaine d’années à peine : il doit y avoir dans la salle de cours (qu’elle soit physique ou virtuelle) une atmosphère bienveillante, d’entraide et d’encouragement.
Mais concrètement, comment développer une pédagogie basée sur la relation ?
La boîte à outils des pédagogies relationnelles
Sans être exhaustif, voici quelques éléments fondamentaux.
1/ La dimension affective
D’abord, il y a la pédagogie relationnelle elle-même ou pédagogie affective.
Il existe en réalité des centaines d’études en psychologie de l’éducation qui ont mis en évidence les innombrables effets positifs du lien affectif qui unit l’enseignant et l’élève.
Voici quelques exemples :
- Dimension affective de la relation enseignant-élève : effet sur l’adaptation psychosociale des adolescents… par Mael Virat
- Affectivité, relation enseignant/e-élève et rapport à l’enseignant/e : contribution à une réflexion sur les caractéristiques d’une relation réussie par Gaëlle Espinosa
- Pour une relation affective de qualité à l’école maternelle par Agnès Pommier de Santi
Les effets bénéfiques d’une relation affectueuse entre le professeur ou le formateur et les apprenants sont :
- une meilleure estime de soi, plus de motivation et de meilleurs résultats,
- une diminution de l’anxiété et moins de problèmes de comportement,
- un plus haut niveau d’études atteints sur le long terme.
En parallèle, aucun effet négatif de la relation affective n’a été relevé dans ces études. La science confirme donc ce que l’intuition nous permet de soupçonner : le comportement bienveillant du professeur envers les élèves et des élèves entre eux donnera de bons résultats.
2/ L’expérience apprenant
Calqué sur l’expérience utilisateur ou User eXperience (UX), on parle d’expérience apprenant ou Learner eXperience (LX).
Le constat de départ est double. Apprendre est une expérience. Et au cœur de cette expérience, il y a, non pas un programme ou un professeur, mais plutôt un apprenant.
Il s’agit de remettre l’apprenant au centre de l’apprentissage et de se demander si l’apprentissage est bien adapté à lui. C’est la révolution copernicienne de l’enseignement.
La conception de l’expérience d’apprentissage est devenue un sous-domaine de la conception pédagogique et de l’apprentissage en ligne. L’expérience doit être attrayante et significative. Elle doit surtout permettre aux apprenants d’atteindre leurs objectifs d’apprentissage.
On se souvient que l’apprentissage est un voyage, ou un parcours. Il faut que ce parcours parte d’une envie ou d’un besoin de connaissance. Il comporte le choix de la méthode et du ou des médias pour apprendre.
Il inclut aussi le point de départ de l’apprenant. Chacun a un bagage de connaissance différent. Idéalement, l’apprentissage devrait être adaptatif. Ce n’est pas le même voyage ou le même parcours pour tout le monde.
Enfin, le contenu n’est qu’un élément de LX. Par le passé, le monde de l’éducation s’est trop focalisé sur le contenu, c’est-à-dire le programme. Aujourd’hui, on s’intéresse à l’environnement d’apprentissage, aux interactions avec le formateur et les autres apprenants, aux outils utilisés, aux méthodes (gamification, interactivité, réalité virtuelle et réalité augmentée, etc.).
3/ Le Teasing
Là encore, on change de paradigme. On ne part plus du principe que l’apprenant viendra suivre un cours ou une formation parce qu’il a besoin du diplôme ou parce que l’enseignement est obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans.
On arrête de le considérer comme captif. On veut lui redonner l’envie d’apprendre.
To tease en anglais signifie « aguicher ». Le teasing vise à éveiller la curiosité, captiver, attirer.
Cette pièce du marketing bien connu de l’industrie du cinéma fait dorénavant partie de l’apprentissage. On conçoit un teaser. On lance une formation.
On le fait en donnant un aperçu, en mettant en avant les problèmes essentiels auxquels la formation répond et en donnant aussi une dimension ludique à celle-ci.
Il est dorénavant nécessaire de concevoir une accroche, une bande-annonce de l’apprentissage qui va être délivré afin de mettre l’apprenant dans de bonnes dispositions et favoriser l’assimilation et la mémorisation des connaissances.
Un apprentissage inspiré et inspirer l’envie d’apprendre
Dans un monde saturé d’informations, où l’attention de l’apprenant est sur sollicité, il est donc temps de revenir à l’essentiel et de créer des formations offrant une réelle expérience enrichissante d’apprentissage.
C’est une nouvelle idée.
Mais c’est une idée inspirante.